Juliette Leclerc, doctorante en 3ème année de thèse, a récemment été lauréate d’une bourse financée par la Fondation Charles Nicolle pour réaliser sa quatrième année de thèse.
Pourriez-vous rapidement vous présenter ?
Juliette Leclerc : « Je suis actuellement doctorante en 3e année de thèse au sein du Groupe de Recherche sur le Handicap Ventilatoire et Neurologique de l’Université de Rouen. »
Sur quoi porte votre thèse ?
« Ma thèse porte sur un nouveau traitement permettant la récupération après un AVC, appelé stimulation du nerf vague*, et plus particulièrement sur son impact sur la modulation de l’activité du cerveau. Le nerf vague est un nerf crânien important qui part du tronc cérébral et innerve un ensemble d’organes présents dans tout le corps (cœur, poumons, intestins,…).
En fait, des chercheurs ont déjà démontré que la stimulation du nerf vague pourrait permettre d’améliorer la récupération des patients, même des mois après leur AVC. Cependant, ce traitement fonctionne seulement sur la moitié des personnes.
L’objectif de ma thèse est donc de comprendre ce que ce traitement fait sur le cerveau, pour essayer d’expliquer pourquoi il n’est pas efficace sur tous les patients et pour voir comment l’adapter pour faire en sorte qu’il marche sur tout le monde. »
Avant la stimulation du nerf vague, y avait-il déjà des traitements pour récupérer d’un AVC ?
« Aujourd’hui, il n’existe pas de traitement efficace pour améliorer la récupération après un AVC, mis à part la rééducation. Cette dernière reste essentielle, mais elle a ses limites : les patients atteignent souvent un plateau au-delà duquel il est difficile de progresser davantage. D’où l’intérêt de la stimulation du nerf vague ! »
Quels sont vos premiers résultats ?
« Après un AVC, on observe dans le cerveau une zone morte, entourée d’une zone où les neurones sont vivants, mais dysfonctionnels. Il semblerait que la stimulation du nerf vague puisse entre autres normaliser l’activité de ces neurones, ce qui aide le cerveau à se réparer et se réorganiser. »
En quoi l’allocation de la Fondation apportera-t-elle un soutien à votre projet ?
Sans le soutien de la Fondation, la poursuite de mes travaux au-delà de la troisième année n’aurait pas été possible. Les financements doctoraux s’arrêtent souvent à la troisième année, et cette prolongation représente une opportunité précieuse pour approfondir les analyses et faire mûrir les résultats.
Et donc qu’allez-vous faire pendant cette 4e année de thèse ?
« L’objectif de cette 4ème année de thèse est déjà de finaliser certaines analyses. Il s’agira de reproduire les expériences sur d’autres souris, pour avoir suffisamment de données et ainsi avoir des conclusions pertinentes.
Ensuite, j’aimerais étudier un autre axe de recherche. J’aimerais voir s’il existe un lien entre certains paramètres physiologiques facilement observables (diamètre de la pupille, rythme cardiaque) et l’activité du cerveau quand on stimule le nerf vague après un AVC. S’il existe un lien, il serait alors possible d’ajuster la stimulation du nerf vague selon ces paramètres pour personnaliser le traitement. C’est vraiment ce qui pourrait faire le lien avec la partie clinique !
Et puis un dernier objectif sera de continuer à collaborer avec les cliniciens, en mettant à profit les connaissances et l’expertise que j’ai accumulées au cours de ces trois années de thèse. Il existe plein de projets prometteurs autour de cette stimulation du nerf vague, et c’est vraiment la combinaison entre plusieurs travaux de recherche qui pourra aider les patients ! »
« Tout ce que nous mettons en œuvre au laboratoire sur le modèle animal, a vocation à être appliqué aux patients, et, à long terme, à faire de Rouen un centre pionnier en France dans la stimulation du nerf vague après une lésion cérébrale » – Juliette Leclerc
En parlant des patients, que vont concrètement apporter vos travaux aux patients du CHU de Rouen ?
« Pour l’instant, nous sommes encore dans la phase préclinique, c’est-à-dire la phase d’expérimentation sur modèle animal, avant de pouvoir envisager des essais cliniques chez l’humain. Il faudrait donc encore un peu de temps avant que ces travaux puissent bénéficier concrètement aux patients du CHU de Rouen. Mais tout ce que nous mettons en œuvre au laboratoire sur le modèle animal, a vocation à être appliqué aux patients, et, à long terme, à faire de Rouen un centre pionnier en France dans la stimulation du nerf vague après une lésion cérébrale. »
Où en est la réflexion concernant le passage à la prochaine étape de recherche ?
« Le passage à la prochaine étape de recherche, c’est-à-dire la phase clinique, est déjà en discussion, notamment avec les chefs des services de médecine physique et réadaptative, de neurochirurgie, et d’ORL, qui sont également membres du laboratoire. Nous espérons pouvoir initier un essai clinique d’ici quelques années.
Propos recueillis par Céline Heel
* La stimulation du nerf vague est une technique médicale qui consiste à envoyer des impulsions électriques contrôlées à travers une électrode enroulée en hélice autour du nerf vague. Cette électrode est implantée au niveau du cou, à proximité de la carotide, et est reliée à un stimulateur implanté sous la peau. Le stimulateur envoie des impulsions électriques réglables selon divers paramètres (intensité, durée), ce qui module l’activité du nerf vague et, par extension, celle de certaines régions cérébrales. A l’origine, cette méthode a été utilisée principalement pour traiter des patients épileptiques, chez qui elle a montré une réduction significative du nombre de crises.
Un projet ambitieux porté par une jeune chercheuse dont les résultats pourraient contribuer à l’amélioration de la prise en charge des patients après un AVC, et potentiellement aussi après d’autres lésions cérébrales acquises (traumatisme crânien, lésions médullaires, etc…).
Publications scientifiques en lien avec le sujet :
Vagus nerve stimulation paired with rehabilitation for upper limb motor function after ischaemic stroke (VNS-REHAB): a randomised, blinded, pivotal, device trial. Dawson, Jesse et al. The Lancet, Volume 397, Issue 10284, 1545 – 1553